KELVIN (lord)

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KELVIN (lord)

William Thomson, connu aussi sous le nom de lord Kelvin, est l’un des plus célèbres physiciens britanniques du XIXe siècle. Parce que ses intérêts scientifiques étaient très divers, il participa activement au progrès des diverses branches de la physique théorique et appliquée qui marqua si profondément son époque. Mais sa formation première et son activité universitaire rendent davantage raison de son originalité et de son influence. Sa connaissance de l’analyse mathématique le mettait à même de saisir, mieux que beaucoup d’autres, les problèmes nouveaux posés à la théorie physique. Son sens de l’enseignement le portait à trouver des solutions dans le domaine expérimental et à les exploiter complètement.

Ses contributions à l’étude des phénomènes électriques et à la mise en forme de la thermodynamique illustrent le premier de ces aspects. Ses interventions répétées et efficaces au sujet des définitions des unités électriques et des échelles thermométriques sont caractéristiques du second, dont l’importance est capitale.

Conférencier très communicatif lorsqu’il s’adressait à un public savant, William Thomson était cependant moins heureux avec les auditoires de débutants. Mais ce n’est là qu’une preuve supplémentaire de la profondeur où se situait sa recherche, et son œuvre demeure l’illustration exemplaire de l’union de l’expérimentation et de la mathématique au bénéfice de la physique moderne.

La vie et la carrière de lord Kelvin

William Thomson naquit à Belfast, en Irlande. Son père, James Thomson, qui enseignait alors les mathématiques à la Royal Academical Institution de Belfast, devint professeur à l’université de Glasgow en 1832. William étudia dans cette université, à laquelle il demeura lié intimement durant toute sa vie. Toutefois, en 1841, il fut admis au collège Peterhouse de Cambridge, où il reçut, en 1845, le grade de Second Wrangler (c’est-à-dire second de la division supérieure) et gagna le Smith’s Prize. Il vint quelque temps à Paris, en 1846, auprès de Henri Regnault, pour développer ses aptitudes au travail de laboratoire.

Il fut nommé en 1846 professeur de «philosophie naturelle» à Glasgow, fonction qu’il n’abandonna qu’en 1899, au terme d’une carrière éclatante par la direction qu’il imprima à la recherche et à l’enseignement de la physique. C’est à Cambridge qu’il avait noué les premières de ses nombreuses amitiés scientifiques, notamment avec George Gabriel Stokes (1819-1903). Il ne cessa d’y publier des mémoires avant même d’avoir obtenu son premier grade. Il devait, par la suite, rencontrer James Prescott Joule (1818-1889) et poursuivre avec lui une admirable collaboration qui illustre bien le talent qu’il eut toute sa vie pour susciter des amitiés professionnelles. Il se déplaçait souvent entre Glasgow et Londres comme membre assidu de maintes sociétés officielles et de savants. Fellow de la Royal Society en 1851, il en sera le président de 1890 à 1895; en outre, il fut élu dans la plupart des principales académies savantes du monde entier. Il fut fait chevalier en 1866 et élevé en 1892 à la pairie sous le titre de baron Kelvin of Largs. Il appartint à la première promotion de l’Order of Merit en 1902. Il mourut à Glasgow et fut inhumé à Westminster Abbey.

Travaux concernant l’électricité

Sa première contribution à l’électrostatique fut une méthode de détermination du potentiel en des points assujettis à une ou plusieurs surfaces sphériques; il donna, en 1851, une forme mathématique aux conclusions de Faraday sur l’électrolyse, fondant son interprétation sur des notions thermodynamiques. Deux ans plus tard, il entreprit d’aborder le domaine de la nature oscillatoire des décharges électriques, dont l’exploration sera poursuivie par J. Maxwell et complétée par H. Hertz. Durant ses recherches, Thomson insista constamment sur la nécessité pour les physiciens de s’accorder sur la définition d’unités électriques satisfaisantes. W. Weber avait montré, en 1852, comment les grandeurs électriques pourraient être rapportées à des unités absolues; en 1861, un comité de la British Association fut commis pour élaborer un standard commode de référence. Thomson proposa une méthode fondée sur la rotation d’une bobine autour d’un axe vertical dans le champ magnétique terrestre; il en résulta la définition du premier système complet d’unités électriques de référence.

La plus notoire recherche de Thomson en électricité ne fut pas sans avoir de grandes conséquences pratiques et économiques. À la suite de l’invention du télégraphe électrique par Wheatstone et Cook, on s’interrogea sur la possibilité d’immerger des câbles télégraphiques avec, en dernier ressort, l’objectif d’une liaison transatlantique. Thomson étudia la théorie de la transmission des signaux dans de tels conducteurs, et montra que le câble doit être considéré comme un énorme condensateur, dans lequel le retard d’un signal, dû au délai non négligeable pour obtenir un potentiel détectable, est proportionnel au produit de la résistance du conducteur de cuivre par la capacité du câble. Pour les vitesses des services demandés aux câbles, les solutions proposées par Thomson se révélèrent satisfaisantes durant de longues années, à savoir le choix d’un cuivre extrêmement pur, ayant donc une très grande conductivité, gainé dans un matériau de très basse capacité inductive spécifique, connecté à des instruments enregistreurs d’une extrême sensibilité, qui n’étaient autres que des dispositifs inventés par Thomson, le galvanomètre à miroir et le siphon enregistreur. Au nombre de ces inventions figure aussi l’électromètre à quadrants qui porte son nom et se distingue par sa sensibilité pour les basses tensions.

La thermodynamique

La contribution la plus durable de Thomson concerne, à coup sûr, la thermodynamique. Après la dissertation de S. Carnot sur la chaleur et les travaux expérimentaux de J. Joule, la première loi de la thermodynamique put être explicitée, et, en 1850, R. Clausius fut conduit à poser pour principe que la chaleur ne peut d’elle-même passer d’un corps froid à un corps chaud. Thomson systématisa toutes ces idées dans une théorie générale de la thermodynamique (1851), par rapport à laquelle s’organisèrent la plupart des investigations des physiciens de la fin du siècle. D’une particulière importance est le traitement par Thomson des échelles thermométriques. Celles qui sont rattachées à des corps concrets, tels le mercure et les gaz à pression constante ou à volume constant, sont disparates et tributaires du comportement «non idéal» de la matière. Thomson montra qu’en se fondant sur le système de Carnot il était possible de définir une échelle opératoire de température, indépendante des propriétés du système mis en œuvre (à l’instar de la machine thermique théorique de Carnot). Ainsi fut construite l’échelle thermométrique «absolue» ou graduation Kelvin. En apportant des corrections au comportement d’un gaz réel, pour tenir compte de l’énergie potentielle interne, il devint possible de référer tel thermomètre à gaz particulier à l’échelle absolue. C’est en vue de calculer ces corrections que Thomson collabora, de 1852 à 1862, avec Joule, à l’étude de la diffusion des gaz au travers de diaphragmes poreux. Aux températures ordinaires, ils purent détecter séparément un refroidissement causé par la diffusion sur différents gaz (effet Joule-Thomson). Enfin, on doit encore citer à l’actif des contributions de Thomson à la thermodynamique:

– la première interprétation des phénomènes thermoélectriques et notamment de l’effet Seebeck (cf. THERMODYNAMIQUE Processus irréversibles linéaires et THERMOÉLECTRICITÉ);

– la loi exprimant la modification des tensions de vapeur à l’état d’équilibre, en fonction de la tension superficielle et du rayon des gouttelettes (brouillard, germination...);

– la conception de la pompe à chaleur et les méthodes d’économie d’énergie et de climatisation.

Contributions diverses

Dans le domaine du magnétisme, on doit à Thomson des perfectionnements du compas de marine, dont il réduisit les dimensions, et auquel il adjoignit des moyens de compensation relatifs au magnétisme, tant permanent qu’induit, des coques de fer.

En mécanique, il se signala par sa théorie du gyroscope et, en hydrodynamique, il étudia le mouvement des fluides en rotation, développant, en 1867 plus particulièrement, les recherches de H. von Helmholtz sur les tourbillons. Des expériences qu’il fit sur ce sujet lui suggérèrent l’idée d’une théorie de la matière fondée sur l’hypothèse d’atomes tourbillonnaires; mais elle ne se révéla pas aussi féconde qu’il l’avait espéré.

Parmi plusieurs contributions à l’art nautique, il y a lieu de noter l’invention d’une machine à sonder les fonds marins, fondée sur l’étude théorique du comportement d’une longue ligne dans l’eau (1872), et son perfectionnement des méthodes de calcul des positions en mer. Il se consacra aussi à l’étude des courants et construisit un analyseur pour la prédiction des marées.

Sa publication la plus volumineuse fut une Natural Philosophy, écrite en collaboration avec P. G. Tait (1831-1901), dont seul parut le premier tome. Au cours d’une longue carrière, féconde pour la physique, William Thomson écrivit surtout pour ses pairs, et ce sont eux qui peuvent apprécier toute la valeur de son œuvre.

Toutefois son évaluation de l’âge de la Terre suscita de vives controverses. Dans les années 1865-1869, il traita de problèmes de distribution thermique qu’il avait déjà abordés dans son enseignement. Prenant en compte les effets pratiques des courants et divers facteurs de transmission et de perte de la chaleur, il conclut à un âge du globe compris entre vingt millions et deux cents millions d’années, bien inférieur à la durée supputée par les géologues et les évolutionnistes. T. H. Huxley mena la contestation contre les thèses de Thomson, qui continuèrent d’être controversées, jusqu’à ce que les découvertes modernes touchant à la radioactivité et à l’énergie nucléaire missent un terme au débat.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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